des écouteurs rivés sur les oreilles. plutôt encastrés, enfoncés. du rock à fond, à ne plus entendre le tir des canons. et avancer, en y voyant presque rien, à écraser une bagnole à droite, à gauche, toujours bouger pour ne pas se faire brûler la tronche par un tireur isolé, là, derrière ce mur, là, depuis cette fenêtre, là, par ce gamin qui porte un truc dans les bras. pas catholique, pas clair. alors une salve. et on file bien vite ailleurs, pour ne pas y passer soi aussi. et on augmente le son, toujours plus, fort, pour ne laisser que son corps ici, à appuyer sur la gâchette, à tout péter, la trouille au ventre, parce qu’on veut vivre, parce qu’on ne pense qu’à sortir de cette merde en fer, qui pue et qui brûle. parce qu’on ne sait pas comment on s’est retrouvé ici, juste pour la signature, pour les études, pour apprendre au pays, dans des grandes universités pleines de vert, même si parfois là bas aussi, la mitraille arrive, mais là bas on s’en étonne alors qu’ici, c’est normal, c’est son job. il faut tuer pour étudier, buter pour ensuite apprendre la morale et le droit, défendre les faibles et tout le baratin. c’est ce qu’on lui avait dit. qu’jamais y aurait la guerre, que le monde en paix, bien sûr, que seulement protecteur de la paix il serait, que les femmes viendraient l’embrasser, le couvrir de leurs bras, de leurs joues, que sa peau pleine de leurs cheveux et de leurs parfums serait incrustée. un libérateur qu’il serait ! admiré et adulé ! et plus tard à ses petits enfants, au coin du feu, il leurs montrerait les photos, la joie des habitants et le sourire des enfants. alors il avait signé, et il pensait à ses futures études de droit, et oui, pour défendre le pauvre et l’innocent… et puis il était là, à en buter tout les jours, innocent ou pas, y avait plus de différence, il fallait buter ou être buté. et puis les femmes n’étaient pas vraiment là, à se planquer ou venir pleine de sourires juste pour le cajoler de bombes et de sang… et puis les sourires des gosses, il en avait pas beaucoup vu, plutôt des têtes défoncées, apeurées, pleines de sable et de terreur. alors pas de photos, sinon quoi dire aux petits enfants ? qu’il en avait bousillé plus d’un là bas car ils cachaient peut être une grosse bombe ? mais oui, c’était sûr, au fond d’un souterrain ou d’une caverne, dans des citernes ou un camion. ils avaient fouillé partout pour la trouver, cette putain de bombe, pour montrer au monde que non, ils n’étaient pas venu ici pour rien, ils avaient pas tout pété pour un truc qui n’existe pas, juste un fantasme, un conte de bonne femme, ou plutôt de vieil homme… à se demander s’il ne fallait pas l’inventer cette bombe ! et puis tant pis, la réaction même de ces gens ne justifiait elle pas l’intervention ? alors il montait encore le son pour ne pas voir son avenir plein de contradiction lui péter à la tête…