elle était en blanc. le plus beau jour de sa vie. aussi le jour de sa condamnation… elle ne le savait pas encore. condamnée à obéir à ses fantasmes, à sa culture de classe, au mépris… et au jour le jour, la réalité se faisait plus menaçante, en intrusion acérée dans ses rêves de vertus, dans ses rêves d’homme parfait… un mari, pour soi toute seule… mais qui s’envole, qui papillonne… et les enfants là, au creux du ventre, comme une ancre qui la retient, qui l’attache à ses idées, à ses convictions qui tombent, à sa volonté de venger son enfance… déjà un père qui partait… déjà un père admiré, qui ne voulait plus mais qui l’a quand même faite, un père rattrapé au lasso, attaché au port, mais qui gardait un regard sur l’océan, en miroir du ciel… alors un père qui prit une échelle pour rejoindre ce ciel et y monta. une grande échelle, très grande, qui tombe quand on arrive au bout, au bout du monde, au bout de son rouleau, au bout de sa force d’homme, épuisé de femmes, d’attaches et de remords… alors elle voulait se venger de son enfance, de sa famille sans famille, de ses parents qui ne s’aimaient plus depuis… depuis même avant qu’elle n’arrive… elle voulait réussir sa vie et sa famille… et le piège était là, dans cette volonté de réussir, qui est condamnation à l’échec. car la volonté est un peu comme cette grande échelle, de laquelle on tombe tout au bout… et les enfants au milieu des pattes, et on en rajoute pour attacher l’autre qui regarde déjà ailleurs… alors on en fait encore et encore, on jette des lassos autour du cou, on met des fers aux pieds et on se répète tout les jours qu’on est heureuse, heureuse de sa famille, heureuse de son mari parfait, mais oui, elle en est sure, qu’il l’aimera de nouveau, et ils partiront, et tout au bout de l’échelle, ils les feront ces voyages si souvent retardés, si souvent rêvés… alors les enfants envolés, le petit dernier parti, c’est sûr, là, maintenant, le bonheur va enfin lui sauter à la figure, ce cochon de bonheur qui s’est si souvent caché, au fond de ses larmes, dans ses mains sales du nettoyage quotidien… et non… … … avec le dernier parti, c’est aussi le grand qui est parti, l’ensemenceur, le rêve, les fantasmes. arrivée au bout de l’échelle, sans pouvoir se retourner, et plus rien… juste la tête dans les nuages, à voir son corps délavé, ses cheveux se détacher, se mélanger aux nuages… et voir le ciel s’ouvrir d’une lumière au loin…